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       Marseille Année 40

Marseille Année 40
par Mary Jayne Gold
Éditions Phébus, 2001

note de l'éditeur

par

Jean-Pierre Sicre

Certains livres n’ont que faire de la «littérature», et c’est bien ainsi pour eux – c’est-à-dire pour leurs lecteurs. Il leur faut livrer d’abord, avec le minimum de perte, le miracle de ce qui fut, qui sans eux tout simplement serait perdu. Leur justification n’est pas dans la manière de dire, mais dans l’urgence de ce qu’il faut dire. Les Romains avaient un mot pour désigner ces récits gouvernés par la nécessité : legenda – ce qui doit être lu. Qu’on ait ensuite brodé sur la «légende» est une autre affaire.

Le livre qu’on va lire se passe de toute broderie. Il est pure racine de légende : notre légende. Et qu’on ne vienne pas nous dire – puisque c’est encore de la Deuxième Guerre mondiale qu’il s’agit – qu’on commence à en avoir assez, qu’on a déjà lu tout ça, que trop c’est trop. Ce récit, qui montre les braves gens de France à l’œuvre sous la contrainte du pire, n’est pas seulement un témoignage historique (un de plus! soupireront ceux qui s’entêtent à n’être point concernés); il rend compte, certes, de quelque chose qui fut, mais il nous met tous aussi bien, à un grand demi-siècle de distance, en face de responsabilités que nous devons assumer à notre tour, même si le pire n’en est pas encore à frapper à notre porte. Car le pire, ainsi qu’aimait à rappeler un philosophe allemand du siècle passé, est chez l’homme une valeur tristement indémodable.

Mary Jayne Gold – comme le montre bien Edmonde Charles-Roux dans sa préface – aurait parfaitement pu échapper à l’horreur de ce Marseille de l’an 40. Elle ne l’a pas fait, et tout est là. Qu’aurions-nous fait à sa place? Il n’est jamais inutile de se poser de telles questions : au moins tant que les hommes s’ingénieront à cultiver, avec la constance et le talent qu’on leur connaît, les fleurs du pire.

Il est assez révélateur que son livre, paru aux États-Unis en 1980 (aux Éditions Doubleday), ait eu si peu d’écho en Amérique – et par suite dans le reste du monde. Les Américains que l’on voit dans ces pages risquer leur peau pour sauver quelques intellectuels européens pourchassés par les nazis agissaient alors contre le vœu de leur pays – qui se fit longtemps prier (plus de deux ans!) avant de se résoudre à entrer dans la guerre. Il est dès lors pour le moins curieux que l’éditor de l’ouvrage chez Doubleday – Jackie Kennedy Onassis, fascinée par ce récit – ait été en son temps la première dame de ce pays justement : le regretté William Shakespeare, veut-on croire, aurait trouvé là de quoi satisfaire son goût immodéré du paradoxe.

Pour plus de précisions, l’on renverra bien sûr le lecteur à un autre ouvrage, signé par le protagoniste central de l’épisode historique ici évoqué : La Liste noire, de Varian Fry (1945, trad. fr. Plon, 1999). Et l’on se reportera de même, en fin de volume, à la riche postface de Pierre Sauvage, qui prolonge avec pudeur et émotion la «légende» du Marseille des mauvais jours – dont Jean Renoir, Julien Duvivier ou Pierre Chenal, s’ils avaient lu la douce Mary Jayne, n’auraient pas manqué de tirer un grand film.

Marseille Année 40 © Pierre Sauvage et Fondation Chambon, 2001
© Éditions Phébus, 2001, pour la présente édition
Note de l'éditeur reproduite avec l'autorisation des Éditions Phébus


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